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@Gro-Tsen
Created September 18, 2020 22:12
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> J'ai trouvé ce résumé très bien fait:
> https://www.nature.com/articles/s41577-020-00451-5.pdf
Je trouve au contraire qu'il est super biaisé (après, il est publié
sous l'intitulé « comment », donc peut-être que c'est le principe de
tels articles que de ne pas chercher à être impartiaux) : on aurait
demandé à un chercheur « écrivez un article montrant que l'immunité
grégaire est inatteignable en prenant à chaque fois les pires
hypothèses possibles » qu'il ne s'y serait pas pris autrement.
1. Pour commencer, la question de savoir ce que signifient l'immunité
grégaire et le R_0 qui n'est même pas évoquée, alors que c'est plus
qu'un peu central au problème. Le R_0 est défini dans une
population donnée, mais quelle population ? Quel pays, et quelles
conditions ? Même si on admet que la population européenne
(disons) est homogène, la population européenne qui a entendu
parler de la covid-19 n'est plus la même que la population
européenne qui n'en a pas entendu parler : imaginons par exemple (à
fins d'illustration de mon objection) que le simple fait de ne plus
se faire la bise fasse passer le nombre de reproduction de 3 à 1.5
- la population entend ça, arrête de se faire la bise, et
l'épidémie se stabilise à un niveau qui correspond à ce R-là :
est-ce que c'est une immunité grégaire ? Peut-être que
formellement le concept est défini pour une population qui n'a pris
aucune mesure comportementale, ni exogène ni endogène (dans mon
exemple : qui n'arrête pas de se faire la bise), mais dans ce cas
je ne vois pas l'intérêt du concept ni d'en discuter - à moins de
vouloir prédire ce qui se passerait si tout le monde ignorait
totalement l'existence du covid. Ce qui me semble intéressant,
c'est pour une population qui a pris les mesures qu'elle peut tenir
indéfiniment. Mais du coup, les estimations de R_0 entre 2.5 et 4
ne concernent pas cette population-là. Or ce qu'on constatait sur
epiforecasts.io (malheureusement ils ont mis à jour leur site, mais
on peut revoir un vieux graphe sur <URL:
https://web.archive.org/web/20200509124457/https://epiforecasts.io/covid/posts/national/france/
>) c'est que si le R_0 a commencé entre 2 et 3 (donc déjà dans la
partie basse de la fourchette retenue par l'article), il a
immédiatement, avant même le confinement, et certainement bien
avant que n'importe quelle immunité ait pu jouer un rôle, chuté de
façon vertigineuse à quelque chose autour de 1.5, et maintenant,
essentiellement tous les pays observent des valeurs <1.5, quelles
que soient les mesures appliquées, les attitudes des gouvernements
et des populations, les niveaux d'immunité qui ont pu être cumulés,
etc. C'est d'ailleurs un point sur lequel je voudrais bien voir
des sociologues s'exprimer, mais on a l'impression qu'il suffit de
dire « covid existe » à la population pour que R passe de ~3 à
~1.5, c'est quand même impressionnant.
=> Donc déjà, à la base, ce serait la moindre des choses
d'expliquer quel est le problème qu'on cherche à discuter
(l'exercice académique de regarder ce qui arrive à une population
pour laquelle R reste autour de 3 ? ou l'étude de l'épidémie
réelle pour laquelle on observe maintenant R autour de 1.5 ?).
2. La discussion des effets de l'hétérogénéité est tellement marrante
que ce serait plus honnête de juste dire « nous n'y croyons pas du
tout » (OK, j'ai compris que c'est ta position, et je suppose que
c'est aussi celle des auteurs). Parce que parmi la masse des
papiers qui ont proposé des réductions parfois invraisemblable au
seuil d'immunité (j'en ai vu passer un à 10%) ou qui ont, plus
honnêtement, conclu qu'on ne pouvait pas conclure faute de données
sociologiques, ils en retiennent un... où la baisse est de 67.5% à
62.5% ! (autrement dit, simplement inexistante, vu que ces chiffres
sont de simples ordres de grandeur). Bon, ensuite, grands
seigneurs, ils prennent 50% tiré de leur chapeau (mais en
qualifiant quand même ce chiffre d'« optimiste »).
3. Blablabla « super-spreaders » blablabla. Je n'ai pas arrêté
d'expliquer que ce qui compte pour le taux d'attaque et les
quantités de ce genre, ce n'est pas la variance des contacts
sortants, c'est celle des contacts entrants. Enfin, ce n'est pas
moi qui le dis : Kiss, Miller & Simon, *Mathematics of Epidemics on
Networks: From Exact to Approximate Models*, théorème 6.20, et
apparemment c'est un résultat classique et censé être bien connu
(dixit Miller, quelque part sur Twitter). Là aussi, on voudrait
voir des sociologues s'exprimer sur les questions de variance des
contacts, mais on ne les voit pas. Toujours est-il que l'article
dont on parle agite des harengs rouges. Plus sérieusement, la
variance dans les contacts joue un rôle pas seulement par les
événements « super ».
4. Bon, après, il cite une méta-analyse des études de séroprévalence
sur laquelle je ne peux pas me prononcer (mais je suis quand même
très dubitatif qu'elle ne discute pas du tout la question de savoir
quel est le taux de faux négatifs dans ce genre d'étude, et de
comment on le connaît), mais ce qui est marrant, c'est que cette
méta-analyse montre qu'on trouve des taux de séroprévalence qui
varient du simple au centuple, voire au milluple, ce qui me
donnerait plutôt envie de conclure soit « ces études ne valent
absolument rien, jetons-les toutes » (pour un jugement plus nuancé,
voir <URL: https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3364 >, qui signale
l'écart très important entre les tests IgG et IgA), soit « ouhlà,
l'hétérogénéité est encore plus gigantesque que tout ce qu'on
pouvait imaginer », mais ce n'est pas ce que lisent Fontanet et
Cauchemez. Notamment concernant le rapport entre « heavily
affected urban areas » et le reste (on est à la limite de
l'auto-contradiction dans l'article, là : d'un côté ils rejettent
essentiellement tout impact de l'hétérogénéité sur le taux
d'attaque, de l'autre ils signalent que les zones urbaines sont un
facteur très important d'hétérogénéité de taux d'attaque).
5. Pour l'importance des cellules T, ou de l'immunité croisée avec
d'autres coronavirus, ceci sort complètement de mon domaine de
compétence, bien sûr, mais j'ai de nouveau l'impression en lisant
le passage que c'est très biaisé (dans le genre « on n'est pas
certains, donc on va prendre la pire hypothèse possible,
c'est-à-dire que tout ça est sans importance »). Ils concèdent que
le fait que les enfants soient peu susceptibles peut jouer un rôle,
mais en fait ensuite ils ignorent complètement ce fait en comptant
les morts, ce qui est aussi une forme de mauvaise foi agaçante.
6. Pour le taux de létalité, ils prennent une fourchette d'IFR entre
0.3% et 1.3% qui résulte d'estimations (et de pratiques médicales)
un peu anciennes, ce qui est quand même marrant parce qu'en ce
moment, en Europe, on observe une CFR autour de 0.6%, par rapport
aux cas effectivement détectés, donc, qui ne sont probablement
qu'une proportion des infections réelles (même si cette proportion
n'est pas aussi faible qu'en mars). Et ils ne discutent même pas
l'idée qu'on puisse protéger différentiellement les populations
plus vulnérables (ce qui ferait baisser le taux de létalité), alors
que c'est quand même l'argument central des gens qui prétendent
qu'il faut viser une immunité grégaire : i.e., ils font comme si la
stratégie était juste « laisser faire et ne prendre aucune
mesure ».
Au final, ça fait beaucoup de biais pour un article si court, je
trouve. De deux choses l'une : soit il y a un consensus écrasant dans
la communauté scientifique pour considérer que l'immunité grégaire est
inatteignable en pratique, et dans ce cas je ne vois pas l'intérêt de
publier des articles pour le dire, soit il y a un vrai débat, et dans
ce cas il faut regarder avec un peu de sérieux les arguments
contraire, ce que cet article ne fait décidément pas.
Ah zut, j'oubliais un point :
7. Les données du Charles de Gaulle. Alors là c'est vraiment bizarre.
Ils prennent le fait que 70% aient été infectés comme le signe
qu'il n'y a probablement pas d'immunité croisée, probablement parce
que 70% est proche de 67%. Mais c'est complètement bizarre : sur
un bateau où tout le monde vit les uns sur les autres, on s'attend
à avoir un nombre de reproduction gigantesque (et aucun effet
d'hétérogénéité, pour le coup !), d'une part, et d'autre part le
taux d'attaque (en supposant que l'épidémie soit allée à son terme)
est bien supérieure au seuil d'immunité grégaire (pour R~3 on
trouve 94% dans le modèle SIR). Donc le fait que seulement 70%
aient été infectés semble suggérer, pour moi, que peut-être 25%
étaient insusceptibles. Enfin, il y a peut-être d'autres
conclusions à tirer, mais en tout cas ça mérite une discussion et
il est complètement bizarre de dire que « clairement » il n'y a pas
d'immunité préexistante parce que 70% des marins ont été infectés !
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