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O Maidens in Your Savage Season : sentiments, sexe et littérature

O Maidens in Your Savage Season : sentiments, sexe et littérature

L'adolescence, la puberté ainsi que les changements physiques et psychologiques qui y sont liés sont loin d'être des thématiques boudées par l'industrie de l'animation. Pourtant, si énormément de séries prennent comme toile de fond l'adolescence de leurs personnages et leur passage à l'âge adulte, celles qui s'en servent pour nous proposer autre chose qu'une simple comédie, un mélodrame bas de gamme ou autre traitement très superficiel sont plus rares.

Par chance, de temps en temps des artistes comme la très estimée auteure et scénariste Mari Okada décident de s'attarder un peu plus en profondeur sur le sujet. Après avoir travaillé sur Mobile Suit Gundam: Iron-Blooded Orphans (機動戦士ガンダム 鉄血のオルフェンズ) ou la plus qu'excellente série Anohana: The Flower We Saw That Day (あの日観た花の名前を僕達はまだ知らない) la scénariste revient fort avec l'une des meilleures séries de 2019 et sans doute de ces trois ou quatre dernières années.

O Maiden in Your Savage Season (荒ぶる季節の乙女どもよ), tirée du manga éponyme (de la même auteure et dessiné par Nao Emoto), sait être touchante et émouvante sans oublier une minute son travail de réflexion sur des questions sociales universelles telles que les premières attirances physiques, les interactions sociales qui en découlent et la construction d'une identité sexuelle.

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Ces questions ne sont pas ici de simples ficelles narratives ou des prétextes à un fanservice sans substance, mais composent bel et bien le fond du propos.

O Maiden in Your Savage Season (ou simplement O Maiden pour la suite) place le spectateur au cœur d'un club de littérature composé de cinq membres très différentes les unes des autres : la très banale Kazusa Onodera, sa timide meilleure amie Momoko Sudou, la romancière en devenir Hitoha Hongou, la belle et mystérieuse Niina Sugawara et la très studieuse présidente du club Rika Sonezaki. Si l'on suivra tout au long de la série la vie de ces cinq personnages, c'est sur Kazusa que sera le plus souvent mis l'accent.

Après la découverte du sujet du prochain livre d'une de leurs écrivaines favorites, les filles du club discutent de ce qu'elles souhaiteraient plus que tout faire avant de mourir. En véritable premier élément perturbateur du récit, la réponse de Niina fait l'effet d'une bombe. Elle déclame devant tout le monde un seul mot, cru, interdit : «sexe».

L'immédiate coupure de mi-épisode laisse au spectateur une respiration mais, malgré les réticences de Rika, la discussion continue et il ne faut pas longtemps aux filles pour prendre conscience que cette chose qui leur est encore inconnue va venir s'imposer à elles et finira par occuper une place plus ou moins importante de leurs vies. Toutes perturbées à leur manière, elles commencent à gamberger chacune de leur côté. Mais cette réalisation, source aussi bien de stress que d'impatience pour tout le groupe, est particulièrement difficile à accepter pour Kazusa. C'est bien sûr sur elle que tombera le couperet final terminant le premier épisode et démarrant O Maiden parfaitement.

Elle entre dans la chambre de son voisin et ami d'enfance Izumi alors qu'il se pense seul chez lui, au moment le moins opportun. Prise de panique, Kazusa détale et cours à travers les rues. Ça y est, la sexualité a réellement fait irruption dans sa vie et il lui faut maintenant tenter de composer avec. Générique.

De la même manière, en commençant O Maiden le spectateur accepte de devoir composer avec les sujets qui s'imposent à lui. Et ces sujets sont aussi nombreux qu'importants : homosexualité, consentement, masturbation, abus sexuels… Peu de questions sont évitées mais elles sont toutes abordées avec le sérieux nécessaire. Bien sûr O Maiden n'est pas une série éducative, mais il n'y a aucun doute quant au fait que ses créateurs veulent tendre la main à une partie de leur public qui se débat elle aussi avec son adolescence. Un moyen de dire à ce public qu'il n'est pas seul, que beaucoup d'autres gens sont passés à travers les mêmes expériences.

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Profondément introspectif, O Maiden fait se questionner sur le rapport à sa propre personne et à celles des autres. Alors que l'arc de Kazusa explore assez classiquement le manque de confiance en soi et la vision que l'on a de nous-même, celui de Niina s'intéresse à l'importance que l'on accorde au regard des autres et à leur jugement. Dans le même temps, c'est le regard inverse qui est questionné par l'histoire de Rika : comment notre vision du monde et nos croyances forgent-elles la façon dont nous voyons et jugeons ceux qui nous entourent ?

O Maiden est aussi un habile commentaire sur l'hypocrisie de la société japonaise vis à vis de la sexualité, enfermant à double tour la réalité de ces sujets derrière les murs des tabous et des interdits sociaux tout en s'autorisant un certain laxisme dans la fiction. En faisant s'opposer son puritanisme envers les autres étudiants qui se tiennent la main ou s'embrassent et son goût prononcé pour la littérature érotique, c'est à travers le personnage de Rika que cette dualité est incarnée. Au fil du récit néanmoins, son personnage saura évoluer et s'adoucir. Comme pour symboliser le souhait d'une société plus assumée et ouverte ; jusqu'au bouquet final qui met sous les yeux du spectateur que finalement, le changement est inévitable.

Notons (à regrets) que si un des arcs narratifs touche à certaines difficultés LGBT+ à travers le conflit interne de Momoko comprenant qu'elle est attirée par des personnes du même sexe, il est pour moi décevant. Traité trop rapidement, voir bâclé, le personnage de Momoko laisse en fin de série un arrière goût d'inachevé. Dommage, car le sujet a pourtant toute sa place dans cette série qui aurait gagné beaucoup en s'aventurant un peu plus hors de l'hétéronormalisme.

Alternant savamment entre drame et comédie, O Maiden sait garder ses spectateurs sur le rebord de leurs sièges. Sûrement pour mieux leur imposer son incursion franche, sincère et sans réel tabou dans la sexualité adolescente. À l'instar de son sujet la série peut parfois sembler désordonnée, compliquée ou gênante et son final pourrait en décevoir certains. En ce qui me concerne, et même si la conclusion de certaines histoires semble hâtive, je trouve l'épilogue plus qu'appropriée. Il sait nous rappeler que comme souvent, le voyage est plus important que la destination. Il nous laisse cet arrière goût d'inachevé qui garde les protagonistes en vie tout en rappelant intelligemment le début de la série, nous invitant à nous y replonger.

Quelques mois plus tard, c'est avec un léger pincement au cœur et une certaine douce-amertume que je repense à O Maiden et aux personnages de Mari Okada. Tout comme je pourrais repenser à ma propre adolescence, aux personnages de cette vie passée ainsi qu'aux moments parfaits et autres instants ratés en leur compagnie qui m'auront aidé à me forger mon identité.


Initialement publié le 08 mars 2020.

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