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@xavxyz
Created October 11, 2020 19:21
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Une autre fin du monde est possible

Vivre et danser avec les ombres

La colère (et parfois la violence, mais il ne faut pas les confondre) jailit pour marquer la défense d’un territoire ou d’une identité attaquée ou violée. Mais elle est aussi une forme d’expression de la peine et de la souffrance, et surtout la preuve d’une grande sensibilité à l’injustice. La colère peut signifier aussi une volonté, une rage de vivre, et même de vivre ensemble.

« Avec une colère à moitié réprimée, j’ai tendance à me balancer et à faire quelque chose d’impétueux et d’ignorant. Mais une colère bien sentie, ancrée et familière peut me motiver à travers un engagement à vie pour améliorer les choses »

Posture pragmatique (suivre ce que cette expérience nous apprend) plutôt que déterministe (savoir à l’avance ce qui va se passer)

La peine, la douleur, la mort et le deuil sont des pans important de notre humanité, des piliers de la vie en groupe. Pourtant notre société fait preuve d’une certaine phobie à leur égard.

Invitation à plonger les côtés obscurs de l’âme et à y découvrir leur pouvoir salvateur.

Amnésie car notre société a « tristement converti les rituels de la vie en routines de l’existence ». Nous avons perdu les communs de l’âme (Weller), ces besoins essentiels qui ont nourri les communautés humaines depuis des millénaires.

Anesthésie parce que la douleur est alors trop grande et trop difficile à gérer.

~

Aller de l’avant

Continuer à rechercher la bonne posture, en alignant la tête et le cœur, en compagnie de nos ombres, mais aussi en accueillant la lumière de ce monde dévasté.

L’optimise aveugle ne motive pas car il crée un sentiment de complaisance et de relaxation. Il est nécessaire de lui ajouter une bonne dose de lucidité sur la situation, les freins et les verrous qui nous ralentissent et nous bloquent. La « pensée positive » seule nous prive des moyens de répondre aux défis, et diminue sensiblement toute possibilité de les traverser le mieux possible.

L’espoir actif (ou espérance en mouvement) est simplement l’attitude de se mettre à réaliser ce qui nous tient à cœur, ce que nous espérons voir advenir. Tout est dans l’intention du moment présent, ou comme le disait Sénèque, « quand tu auras désappris à espérer, je t’apprendrai à vouloir ... »

~

Faire un pas de côté

Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler du bois, couper des planches et distribuer du travail, mais réveille au sein des hommes le désir de la mer grande et belle.

― Antoine de Saint-Exupéry

L’avénement de la physique moderne a poursuivi ce mouvement de « bannissement des qualités sensibles au profit des figures et des nombres », débouchant sur une « civilisation autistique » ayant perdu ses liens de réciprocité et d’empathie avec les autres qu’humains (vivants ou non-vivants), ou, pire, sur une civilisation psychopathe qui ne ressent que pour elle-même. « Toute émotion est ramenée [aux humains] de n’importe quelle façon. Les autres ne sont que des objets qui servent à assouvir leurs envies. Ce problème d’absence d’empathie explique pourquoi ils n’ont aucune morale et donc aucune limite à faire du mal à autrui physiquement et moralement. »

Cette grande déconnexion s’accentue à partir de la Renaissance [ // l’éveil ?! ], avec pour horizon le progrès technique et l’asservissement de la Terre aux besoins matériels humains. La société moderne s’est construite en «travaillant» la nature comme de la simple matière (Descartes), et en faisant «travailler» d’autres êtres vivants à volonté. Ainsi, cette « conception de la nature a permis aux Modernes d’occuper la Terre d’une façon telle qu’elle a interdit à d’autres d’occuper autrement leur propre territoire ».

les croyances populaires et le folklore russe de « l’esprit des lieux », le savoirs des sorcières brûlées sur les échafauds de la Renaissance, [?] les savoirs des luddites («les briseurs de machines» de la fin du XIXe siècle) qui refusaient de laisser détruire leurs liens communautaires par l’industrie [cc le moulin de Daudet], **les savoirs vernaculaires (?) **sur les vertus des plantes de nos régions que l’industrie pharmaceutique a réprimés

Un Amérindien converse de manière intime avec les plantes grâce à des poèmes que l’on nomme anents [? => Alessandro Pignocchi]

~

Raconter d’autres histoires

Histoire si enraciné qu’elle paraît indiscutable, l’histoire du progrès, qui raconte que notre société peut croître sans fin. Le savoir, la technologie, l’individu, la liberté, l’économie, les systèmes sociaux sont tous susceptibles de s’améliorer indéfiniment, pour les siècles des siècles car le progrès n’a aucune limite. Cette histoire en génère d’autres, comme le « solutionnisme technocratique » qui consiste à croire que tout problème peut être résolu par une solution technique : des voitures hybrides et des éoliennes pour « résoudre » le réchauffement climatique et la fin des combustibles fossiles ; des drones, du big data, des compteurs intelligents et des réseaux électriques intelligents pour mettre en place la transition énergétique ; de l’économie circulaire et collaborative pour abolir la production de déchets, les inégalités et les tensions sociales ; la colonisation de Mars pour échapper à la catastrophe écologie ; ...

Il y a aussi cette étrange croyance qu’il n’existe qu’une seule loi de la jungle ― la compétition ― et qu’elle peut se traduire en « loi du plus fort ». Et ce conte à la fois magique et tragique qui commence par « Il était une fois un peuple d’humains, se séparant de la Nature par son intelligence ... » Et tous ces contes s’entremêlent avec une certaine logique. « Le mythe du progrés est fondé sur le mythe de la nature. Le premier nous dit que nous sommes destinés à la grandeur, le second nous dit que cette grandeur est gratuite. »

À l’opposé de cette vision, le prêtre, historien et écologiste Thommas Berry (1914-2009), un des pionniers des relations entre la religion et l’écologie, ne voyait pas d’objets dans le monde, mais uniquement des sujets. Ce vieux sage était convaincu qu’il fallait changer de récit et voyait notre époque comme suspendue dans une sorte de transition où des grands récits s’affrontent, où certains tentent d’émerger alors que d’autres refusent de mourir et errent dans le monde, en infectant les nouveaux venus.

Les zombies sont réels, nous avons déjà perdu notre âme et avançons sans but sans capacité de raisonner.

Au lieu de se demander si la vie avait un sens, il fallait s’imaginer que c’était à nous de donner un sens à la vie à chaque jour et à chaque heure.

― Victor Frankl

La joie : l’augmentation de la puissance d’agir selon Spinoza

politiciens, économistes, penseurs conceptuels, créateurs de nombres

~

Aucun arbre ne peut pousser jusqu’au paradis sans que ses racines n’atteignent l’enfer

― Carl Gustav Jung

Tisser du lien

Notre société est clairement assoiffée de liens et de sens, car elle en a asséché les sources. La science, la technique et le capitalisme désacralisent tout et nous isolent, noyés dans une quantité toujours plus impressionante d’objets de toutes sortes. Y a-t-il un sens à tout cela ? Où sont les autres ?

Le philosophe Abdennour Bidar appelle Tisserands les personnes (nombreuses!) qui s’emploient à « réparer le tissu déchirer du monde ». Trois types de liens essentiels à retrouver : le lien à soi, le lien aux autres et le lien à la nature. Quatrième lien fondamental : le rapport à ce qui nous dépasse.

Le comportement de Panurge de la patho-adolescence [nik tout, tous des cons] a été capté par les grandes entreprises, qui, en flattant notre narcissisme, nous proposent de gagner en « pouvoir » (immédiateté, rapidité, diffusion, etc.), au détriment de notre propre puissance d’agir. « Il y a une pulsion de dévitalisation, de facilité à vivre, qui finit par détruire la dignité de l’être humain » remarque Damasio.

~

Apocalypse ou happy collapse ?

L’effondrement du monde thermo-industrie et de bien d’autres choses toxiques permet d’inventer de nouveaux mondes, de retourner à une existence simple, de retrouver une mémoire contre l’amnésie et des sens contre l’anesthésie, de regagner en autonomie et en puissance, de cultiver la beauté et l’authenticité, et de tisser des liens réels avec le sauvage retrouvé. Il n’y a rien d’incompatible à vrire une apocalypse et un happy collapse.

Ainsi parlait Zarathoustra ― Friedrich nietzsche

Notes de Xavier Cazalot, Juillet 20


Première Partie

p???

faire confiance au chemin et à la lumière des étoiles

se plaire à voir en face tout ce qui dort

une forêt profonde où plus aucun chemin ne se montrait

sur le sol et la mousse lui-même s’étendit. Et sitôt s’endormit, le corps las et néanmoins l’âme sereine

[chapitre à relire] Des trois métamorphoses [chameau docile => lion liberté => enfant renouveau]

[chapitre à relire] Des contempteurs du corps [du soi qui contrôle le je]

[chapitre à relire] Du blême criminel

Mais une chose est la pensée, une autre le fait, une autre encore l’image du fait. Entre elles ne s’engrène le rouage de la cause.

C’est d’une image qu’a blêmi cet homme blême. Accomplissant son fait, il était bien à la hauteur de ce qu’il faisait ; mais du fait accompli ne put souffrir l’image.

Dorénavant il ne s’est vu que comme le fauteur d’un seul et unique fait. C’est ce que je nomme délire ; de ce qui était l’exception il a fait l’essence même.

[chapitre à relire] De l’arbre sur la montagne

Désormais il attend et attend, mais qu’attend-il ? Du siège des nuées trop proche est sa demeure ; ce qu’il attend, est-ce le premier éclair ?

Mais de par mon amour et mon espoir, je t’en conjure : hors de ton âme point ne rejette le héros ! Garde sacrée ton espérance la plus haute !

[chapitre à relire] De la guerre et des guerriers [meilleur ennemi // respect]

Qu’importe une longue vie ? Est-il guerrier qui veuille être épargné ?


Deuxième Partie

L’enfant au miroir

Trop grande fut la tension de mes nuées ; entre ricanements d’éclairs je veux dans les profondeurs lancer rafales de grêle !

Vigoureusement se soulèvera ma poitrine ; vigoureusement sur les montagnes elle soufflera sa tempête ; de la sorte s’allégera.

Comme une tempête, en vérité, viennent mon heur et ma liberté ! Ils doivent s’imaginer, mes ennemis, que sur leurs têtes fait rage le Malin !

Oui certes, même vous, ô mes amis, de ma sauvage sagesse serez épouvantés ; et vous vous enfuirez peut-être avec mes ennemis.

Ah ! puissé-je m’entendre, de par le charme de mon pipeau, à vous rappeler jusques à moi ! Ah ! que ma lionne Sagesse apprenne à tendrement rugir ! Et ensemble déjà nous apprîmes beaucoup !

Ma sauvage sagesse par des monts solitaires est devenue gravide ; sur des rochers déserts elle a mis bas son petit, son dernier-né.

Maintenant par les arides solitudes elle gambade en bouffonnant, et cherche et cherche tendre gazon, ma vieille sauvage sagesse !

Sur le tendre gazon de vos cœurs, ô mes amis sur votre amour elle voudrait nicher ce qu’elle a de plus cher !

Des prêtres

Ils appellent églises leurs antres aux douceâtres senteurs.

Oh ! cette fausse lumière, oh ! cet air enfumé ! Ici l’âme jusqu’à son altitude n’a le droit de voler !

Mais voici ce que prescrit leur foi : « à genoux montez les marches, ô vous qui avez péché ! »

Qui se créa pareilles antres et pareilles échelles de pénitence ? N’étaient-ce ceux qui se voulaient cacher et devant le ciel pur d’eux-mêmes avaient honte ?

Et seulement lorsqu’à travers des toits crevés brille à nouveau le ciel pur, et, le long des murs crevés, sur l’herbe et les rouges pavots, vers les sanctuaires de ce dieu je veux à nouveau tourner mon cœur !

Des vertueux

Avec des grondements de tonnerre et de célestes feux d’artifice il faut parler aux sens qui s’assoupissent et qui dorment.


Troisième partie

De la vision et de l’énigme

« Vois ce portique, ô nain, repris-je. Il a deux faces. Deux voies ici se joignent, qui ne suivit personne jusqu’au bout.

Cette longue voie derrière dure une éternité. Et cette longue voie devant est une seconde éternité.

Elles se contredisent, ces voies, se heurtent de plein front ; et c’est ici, sous ce portique qu’elles se joignent. Le nom de ce portique est là-haut inscrit: INSTANT!

Mais suivra-t-on plus loin toujours, crois-tu, ô nain, que toujours ces voies se contredisent ? »

« Toujours menteuse est ligne droite, chuchota dédaigneusement le nain. Courbe est toute vérité, le temps même est un cercle. »

« Esprit de pesanteur, dis-je irrité, ne te fais pas trop légère la tâche ! Sinon je te laisse croupir, pied-bot, là où tu t’es accroupi, et haut je t’ai porté !

De la rapetissante vertu

Sans doute à leur manière, ils apprennent, eux aussi l’art de marcher et d’avancer ; ce que j’appelle leur boiterie. Ainsi font achopper quiconque se hâte !

Authentique sont certains, mais la plupart sont de mauvais comédiens.

Mais c’est la médiocrité, encore qu’on l’appelle juste mesure.

Ah ! puissiez-vous entendre ma parole : « faites sans doute ce que vous voulez, mais d’abord soyez de ceux qui peuvent vouloir !

Comme vous-mêmes aimez sans doute votre prochain, mais d’abord soyez de ceux qui s’aiment eux-mêmes

Qui s’aiment avec le grand amour, qui s’aiment avec le grand mépris ! » Ainsi parle Zarathoustra le sans-dieu !

Mais à quoi bon parler là où personne n’a mes oreilles ? Encore une heure trop tôt ici je suis venu.

Mon propre précurseur, voilà ce que je suis, mon propre chant du coq dans des ruelles enténébrées.

Mais vient leur heure ! Et vient aussi la mienne ! Heure après heure ils deviennent plus petits, plus pauvres, plus stériles, pauvre herbe, pauvre terreau !

Et bientôt devant moi seront comme le foin séché et comme la steppe, et d’eux-mêmes lassés et, plus que d’eau, de feu se languiront !

Ô de l’éclair heure bénie ! Ô mystère d’avant-midi ! Un feu qui se propage, voilà ce que je veux encore de ces gens-là faire quelque jour, et des annonciateurs avec des langues de flamme ;

avec des langues de flamme un jour encore ils annonceront : voici que vient, qu’approche le grand midi !

Sur la montagne des oliviers

L’hiver, un vilain hôte, prend ses quartiers chez mi ; bleus sont mes doigts de son affectueux serrement de mains.

Je l’honore, ce vilain hôte, mais aime le laisser seul. J’aime courir loin de lui, et qui court bien bien lui échappe !

Pieds et pensées au chaud, là où calme est le vent je cours vers le coin de Soleil sur la montagne des oliviers.

Là je me ris de mon hôte sévère, et lui sais gré encore qu’à la maison me chasse les mouches, et apaise plus d’un petit tapage.

Car il ne souffre que veuille chanter mouche, voire deux ; il vide aussi la rue u point que s’en effraie, la nuit, le clair de Lune.

Dur est mon hôte, mais je l’honore et ne prie point, comme les délicats, l’idole ventrue de l’âtre.

Mieux encore claquer un peu des dents que vénérer des idoles ! c’est mon tempérament. Et surtout ces idoles de l’âtre, échauffées, fumantes, engourdies, je les ai toutes en horreur.

Impatiemment j’attends alors que se découvre enfin le ciel lumineux, le ciel d’hiver à la barbe de neige, le vieillard et la blanche tête,

le ciel d’hiver, le taciturne qui même de son Soleil souvent ne dit mot.

Appris-je bien de lui le long et lumineux silence ? Ou l’apprit-il de moi ? Ou chacun de nous lui-même l’a-t-il donc inventé ?

Toutes bonnes choses ont origine infiniment diverse, toutes exubérantes bonnes choses sautent de plaisir dans l’existence ; comment devraient-elles jamais ne le faire qu’une seule fois ?

Des renégats

Hélas ! ce qui naguère sur ces prés verdoyait et de tant de couleurs rutilait, tout cela s’est-il fané, tout cela devint-il gris ? Et le miel de l’espoir, jusqu’à ma ruche combien en ai-je porté ?

Déjà ces jeunes cœurs sont tous devenus vieux et non pas même vieux ! lassés seulement, communs, accommodés ! Ils disent : « sommes à nouveau devenus pieux ! »

Naguère encore de bon matin sur des pieds courageux je les voyais courir ; mais de la connaissance se sont lassés leurs pieds, et maintenant ils calomnient jusqu’à leur matinale bravoure !

En vérité, plus d’un jadis comme un danseur levait la jambe, et mon rire dans sa sagesse lui faisait signe ; lors il s’est recueilli. Je le vis à l’instant courbé et vers une Croix rampant.

Comme des ouches et de jeunes poètes, autour de la lumière et de la liberté jadis ils voltigeaient. Un peu plus vieux, un peu plus froids, et les voici déjà ténébreux et chuchotants et casaniers.

Si leur manqua le cœur, cela vient-il de ce que la solitude comme une baleine m’avala ? Dans une longue nostalgie vainement leur oreille a-t-elle épié ma voix, et mes appels de trompette et de héraut ?

« Sommes à nouveau devenus pieux », ainsi confessent ces renégats, et pour une telle confession trop lâches encore nombre d’entre eux.

Ceux-là, je les regarde dans les yeux je leur dis en plein visage, et dans le rouge de leurs joues : vous êtes de ceux qui à nouveau priez !

Ou bien écoutent un vieux siffleur de boniments et de borborygmes qui de lugubres vents apprit le chagrin des sons ; maintenant il siffle au vent et, en lugubres sons, prêche chagrin.

Et parmi eux d’aucuns se firent même veilleurs de nuit ; ils s’entendent maintenant à souffler dans des cornes, à déambuler la nuit et à réveiller des vieilleries depuis belle lurette endormies.

De trois méchantes choses

En rêve, mon dernier rêve matinal, sur un promontoire j’étais debout, ce jour d’hui, au-delà du monde je tenais une balance et je pesais le monde.

Ah ! qu’est venue trop tôt pour moi l’aurore, qui dans son flamboiement me réveilla, la jalouse ! Du flamboiement de mes rêves matinaux toujours elle est jalouse.

Que le peut mesurer celui qui a du temps, peser un bon peseur, que le peuvent de leur vol atteindre ceux qui ont des ailes robustes, le déceler de divins casseurs de noix, du monde voilà ce que découvrit mon rêve,

mon rêve, hardi navigateur, mi-navire mi-bourrasque, d’un silence de papillon, d’une impatience de faucon ; mais ce jour d’hui, pour la pesée du monde, qu’il avait patience et qu’il avait de temps !

De l’esprit de pesanteur

[canaries]

Mon pied est pied de cheval ; sur lui je galope et je trotte et par monts et par vaux, en long, en large et en travers, et de plaisir suis endiablé en toute vive course.

[roumanie]

En vérité j’appris l’attente aussi, et foncièrement, mais à n’attendre que moi-même. Et surtout j’ai appris à me tenir debout et à marcher et à courir et à sauter et à grimper et à danser.

Mais voici ma leçon : qui une fois veut apprendre à voler, il faut que d’abord il apprenne à se tenir debout et à marcher et à courir et à sauter et à grimper et à danser, ne s’attrape au vol le vol !

Par des échelles de corde de plus d’une fenêtre, j’ai appris à faire l’escalade ; sur des jambes agiles à de hauts mâts j’ai grimpé ; sur les hauts mâts de la connaissance me tenir assis ne me parut mince béatitude,

comme flammèches flotter sur de hauts mâts ; une petite lumière sans doute, mais une grande consolation pour des marins perdus et pour des naufragés !

Par toutes voies et par tous moyens jusqu’à ma vérité je suis venu ; et non sur une seule échelle jusqu’à la cime je suis monté, où mon regard dans les lointains se perd.

Et seulement à contrecœur toujours ai demandé mon chemin toujours ce fut contre mon goût. De préférence j’interrogeai les chemins mêmes et les mis à l’épreuve.

Épreuve et questionnement, ce fut toute ma façon d’aller, et à pareilles questions, en vérité, il faut apprendre aussi l’art de répondre. Mais tel est mon goût :

ni bon ni mauvais goût, mais bien mon goût, duquel plus ne me fais honte ni mystère.

« Voilà maintenant mon chemin ; où est le vôtre ? » ; à eux qui me demandaient « le chemin » ainsi ai répondu. Car le chemin cela n’existe pas !

D’anciennes et de nouvelles tables

En attendant me fais à moi-même discours, comme celui qui a du temps. De personne je ne reçois récit nouveau : à moi-même me fait récit.

Mieux encore, là où cet homme s’est couché, le laissez donc gésir pour que lui vienne le sommeil, le consolateur, avec une bruissante averse de fraîche pluie ;

Le laissez donc gésir jusqu’à ce que de lui-même il se réveille, que de lui-même il révoque toute lassitude, et ce que de lassitude lui-même il enseigna !

Veuillez seulement, mes frères, à écarter de lui les chiens, les veules sournois, et toute l’exaltée racaille ;

toute l’exaltée racaille des « cultivés » qui de la sueur de tout héros se lèchent les babines

[roumanie - briser les anciennes tables du temps en Autriche]

Parasite, c’est dire une vermine, rampante, insinuante, laquelle en vos recoins malades et meurtris se veut engraisser.

Et c’est son art de déceler où des âmes qui s’élèvent deviennent lasses ; sur votre morosité et votre absence de courage, sur votre tendre pudeur, il installe son écœurante niche.

Là ou faible est le fort, et bien trop doux le noble, il installe son écœurante niche ; là où le grand a de petits recoins meurtris, s’installe le parasite.

De tout ce qui existe, quelle est l’espèce la plus haute, et quelle est la plus basse ? Le parasite est la plus basse espèce ; mais qui est de la l’espèce la plus haute, celui-là nourrit le plus de parasites.

Car l’âme qui possède l’échelle la plus longue et peut descendre au plus profond, comment en elle ne gîterait le plus de parasites ?

l’âme la plus spacieuse, qui le plus vastement en elle-même sait courir, errer, vagabonder ; de toutes la plus nécessaire et qui dans le hasard se jette pour son plaisir ;

l’âme qui est et dans le devenir se plonge ; l’âme qui a et dans le vouloir et le désir se veut plonger ;

l’âme qui elle-même se fuit, qui elle-même dans le plus vaste cercle se rejoint ; de toutes la plus sage et qui le plus suavement persuade la bouffonnerie ;

l’âme qui pour elle-même a le plus grand amour, qui ont toutes choses leur courant et leur contre-courant, leur flux et leur reflux, oh ! comment n’aurait-elle, la plus haute des âmes, les plus vilains parasites ?

[howl => société]

J’aime les vaillants, mais ne suffit d’être sabreur, il faut savoir aussi qui sabrer !

Et souvent il est plus de vaillance à se contenir, à passer outre, afin de se ménager pour un plus digne ennemi !

Vous ne devez avoir d’ennemis que haïssables, non d’ennemis à mépriser ; de votre ennemi il faut que vous ayez fierté ; ainsi vous enseignai une fois déjà.

Pour le plus digne ennemi, ô mes amis, devez vous ménager ; ainsi devant beaucoup il vous faut passer outre, [echo «se tuer seul, fatigue» - Horde du Contrevent]

singulièrement devant force canaille, qui de peuple et de peuples à vos oreilles fait grand tapage.

De leur pour et de leur contre, que restent purs vos yeux ! Il est là bien du juste et là bien de l’injuste ; à y regarder de près l’on devient coléreux !

Trancher du regard, trancher du sabre, là c’est tout un ; allez donc dans les bois et que dorme votre glaive !

Suivez donc vos chemins ! Et laissez peuple et peuples suivre les leurs ! de sombres chemins, en vérité, où d’aucune espérance même ne lui l’éclair !

Non à vous reproduire seulement, mais à produire au-delà de vous-mêmes qu’à cela vous aide, ô mes frères, le jardin du mariage [association pour se dépasser]

Le convalescent

[sherwood]

vinrent à lui ses bêtes épouvantées et que de toutes cavernes et tanières proches de sa caverne s’échappa toute faune, volant, voletant, rampant, bondissant selon l’espèce de pied ou d’aile dont elle avait reçu don.

La brise joue avec de bonnes pesantes senteurs qui à toi veulent venir ; et tous ruisseaux vers toi voudraient courir.

« Ô Zarathoustra, dirent alors les bêtes, pour qui pense comme nous, dansent même toutes choses ; viennent et se tendent la main, et rient et fuit et reviennent [encore]

Tout part, tout revient ; éternellement roule la roue de l’être. Tout meurt, tout refleurit, à tout jamais court l’an de l’être.

Tout se brise, tout se remet ne place ; éternellement se rebâtit la même maison de l’être. Tout se sépare, tout à nouveau se salue ; éternellement fidèle reste à lui-même l’anneau de l’être.

À chaque instant l’être commence ; autour de chaque ici roule la sphère Là-bas. Le centre est partout. Courbe est la sente de l’éternité. »

[chapitre magnifique, à relire] Le deuxième chant de danse

Sur mon pied fou de danse tu jetas un regard, un regard de balancelle qui rit, qui interroge et qui fait fondre.

Mes talons se cabrèrent, pour écouter se tendirent mes orteils ; c’est aux orteils que le danseur a ses oreilles !

Vers toi j’ai bondi lors t’ai vue qui fuyais mon bondissement e contre moi, de ta fuyante, de ta flottante chevelure, dardais la langue !

[Paul Valery, étreintes !]

Proche je te crains, je t’aime lointaine ; en me fuyant tu m’attires, en me cherchant tu m’arrêtes, je souffre, mais pour toi que n’aimai-je souffrir ?

[howl: cités ouvrières en bord de voie rapide abrutis par le travail et le bruit]

vacarme est meurtre de pensée et à l’instant me viennent de si tendres pensées.

Et nous nous sommes regardés, et nos yeux ont considéré la verte prairie où la fraîcheur du soir à l’instant même courait, et l’un sur l’autre nous pleurâmes. Plus chère alors me fut la vie que jamais toute ma sagesse.

Les sept sceaux

Si de la mer je suis épris, et de tout ce qui a façon de mer, et le plus épris encore lorsque dans sa colère elle me contredit ;

S’il est en moi cette quêteuse envie qui vers l’inexploré me pusse ma voile, en mon envie s’il est envie de navigateur ;

Si s’écria jamais ma joie : « On ne voit plus la côte, c’est maintenant tombée ma dernière chaîne

c’est l’infini qui bruit autour de moi, au loin pour moi splendissent espace et temps, courage ! courage ! vieux cœur ! »

oh ! comment de l’éternité n’aurais-je concupiscence, et du nuptial anneau des anneaux, de l’anneau du retour ?

Jamais encore je ne trouvai la femme de qui voulusse enfants, sinon de cette femme que j’aime ; car je t’aime, ô Éternité !

Car je t’aime, ô Éternité ! [Denn ich liebe dich, oh Ewigkeit!]


Quatrième et dernière partie

Dialogue avec les rois

Mais lorsque les rois furent à sa hauteur, lors il dit à mi-voix comme on se parle à soi seul ; « Étrange ! Étrange ! Cela va-t-il ensemble ? Voici deux rois et un seul âne !»

Lors firent halte les deux rois, sourirent, regardèrent là d’où venait la voix, et ensuite se dévisagèrent l’un l’autre : « Voilà des choses que chez nous l’on pense bien aussi, dit le roi de droite, mais point on ne les profère. »

Or le roi de gauche haussa les épaules et répondit : « Ce peut bien être un chevrier. Ou un ermite qui trop longtemps vécut entre rochers et arbres. Car vivre sans société gâte également les bonnes manières. »

« Les bonnes manières ! répliqua, irrité et amer, l’autre roi. Que fuyons-nous ? N’est-ce justement les bonnes manières ? Notre bonne société ?

[Francis Hallé - mieux vaut un hiver dur qu’une vie envahie par les parasites]

Mieux vaut en vérité, vivre parmi des ermites et des chevriers qu’avec notre fausse populace dorée et maquillée, encore que déjà elle se nomme « bonne société », encore que déjà elle s’appelle « noblesse ». Ma là tout est faux et pourri, surtout le sang, à causes de vieilles et mauvaises maladies et de plus mauvais guérisseurs.

La sangsue

Tu me peux appeler comme tu veux, je suis celui qu’il me faut être. Moi même me nomme Zarathoustra.

Hors service

Il était obscur aussi. Comme il s’est courroucé contre nous, ce renifleur coléreux, de ce que mal nous l’entendissions ! Mais que ne parlait-il plus clairement ?

Et si la faute était à nos oreilles, pourquoi nous pourvut-il d’oreilles qui mal entendissent ? S’il était cire en nos oreilles, qui donc l’y avait mise ?

De maintes façons il manqua son ouvrage, ce potier qui ne savait qu’à demi son métier. Mais se venger sur ses pots mêmes et sur ses créatures de les avoir manquées, ce fut, n’est-ce pas ?, pêcher contre le bon goût.

mieux vaut qu’à la force de son propre poignet l’on fasse son destin

Le plus hideux des hommes

n’apprend que celui qui agit

À l’heure de midi

Et Zarathoustra courut et courut et plus ne trouva personne et fut seul et se retrouva toujours lui-même et goûta et savoura sa solitude et songea à de bonnes choses des heures durant. Mais à l’heure de midi, comme le Soleil se tenait droit sur la tête de Zarathoustra. Il passa devant un vieil arbre tordu et noueux qu’embrassait le riche amour d’un pied de vigne et qui à lui-même se dissimulait ; s’y suspendaient des raisins jaunes profusément offerts au voyageur. Lors eut envie Zarathoustra d’apaiser une légère soif et de cueillir une grappe ; mais comme pour ce faire il tendait déjà le bras, lors eut envie bien plus encore d’autre chose : de s’allonger près de l’arbre, à l’heure du plein, et de dormir.

Ce que fit Zarathoustra ; et sitôt que sur le sol fut allongé, dans la paix et l’intimité de l’arbre multicolore, il avait oublié déjà sa petite soif et s’endormit. Comme dit, en effet, la maxime de Zarathoustra, « une chose est plus que l’autre nécessaire ». Ses yeux pourtant restaient ouverts, car ils ne se rassasiaient de voir et glorifier l’arbre et l’amour du pied de vigne. Mais dans sous assoupissement de la sorte à son cœur parlait Zarathoustra :

Silence ! Silence ! Le monde à l’instant même n’est-il devenu parfait ? Que m’advient-il donc ?

De l’homme supérieur

Et lorsqu’à tous je parlai, à aucun ne parlai. Mais j’eus, le soir, pour compagnons funambules et cadavres, et presque fus moi-même cadavre.

Avez-vous du courage, ô mes frères ? Du cœur ? Non du courage devant témoins, mais un courage d’ermite et d’aigle, auquel n’assiste plus même un dieu ?

Des âmes froides, des mulets, des aveugles, des ivrognes, ceux-là pour moi n’ont pas de cœur. A du cœur celui qui connaît la crainte et cependant force crainte, celui qui voit l’abîme, mais avec orgueil.

Celui qui voit l’abîme, mais avec des yeux d’aigle, qui avec des serres d’aigle se saisit de l’abîme, c’est celui qui a du cœur.

Faites comme le vent qui hors de ses cavernes montagneuses se précipite ; sur son propre pipeau il veut danser, au rythme de ses pieds les mers frémissent et bondissent.

[chapitre à relire] Parmi les filles du désert

Le réveil

Ce jour est une victoire ; déjà faiblit, déjà s’enfuit l’esprit de pesanteur, mon vieil ennemi héréditaire. Comme veut bien finir ce jour qui si vilainement, si pesamment commença !

Et c’est finir qu’il veut. Déjà le soir arrive ; il chevauche la mer, ce bon cavalier ! Comme il se balance, le bienheureux, celui qui retourne au logis, sur ses arçons de pourpre !

Le chant du marcheur de nuit

Comme elle parle maintenant avec sobriété, cette ivre poétesse ! Dans une ivresse plus grande a-t-elle noyé son ivresse ? S’est-elle faite trop lucide ? Qu’est-elle en train de ruminer ?

C’est sa peine qu’elle rumine en rêvant, la vieille, la profonde mi-nuit, et plus encore son plaisir. Car le plaisir, dès que profonde est la peine, le plaisir est plus profond encore que la souffrance du cœur !

Le signe

Ainsi parlait Zarathoustra, et quitta sa caverne, ardent et vigoureux comme un Soleil matin qui de sombres montagnes vient.

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